Cela fait plusieurs saisons que je convoitais ce couloir historique du ski de pente raide, ouvert par Sylvain Saudan en 68, mais les conditions n’étaient jamais vraiment réunis, du moins aux périodes ou je n’avais pas encore complètement délaissé les skis pour les chaussons.
2020 n’était certainement pas une année où je pensais que ça se concrétiserais, avec la crise du COVID19 qui a prématurément mis fin à la saison de guide ainsi qu’à tout activité sportive digne de ce nom dans la vallée de Chamonix. Cependant en guise de cadeau de déconfinement, la Compagnie du Mont Blanc à réouvert le téléphérique de l’Aiguille du Midi. Malgré le port du masque obligatoires, les cabines limités à 30 personnes et le passage devant une camera thermique, l’initiative semble discutable, mais il serait bête de s’en priver.
Je ne pensais pas remettre les skis pour cette année, mais l’activité qui avait repris et les conditions qui semblent optimales pour la pente raide et le ski de printemps. Je doit avouer que cela commençais à fortement me titiller, surtout avec les réseaux sociaux qui relaient les exploits de chacun quasiment en temps réel.
Mais ce fut le sms du copain Loic Chamel « Demain Gerva? » qui fut décisif. d’abord je refuses, puis hésite. Et puis merde les conditions sont bonnes, les copains motivés. Et pourquoi pas ! Je ressort litéralement les skis et le matos du placard, comme si c’était la première de l’année.
On se retrouve donc le lendemain à 7h00 dans la queue de l’aiguille du midi, pour prendre un numéro d’ordre. C’est un jour férié, grand beau, il y a du monde. A l’ancienne. On ressent tout de même un certains malaise à se retrouver d’un coup avec autant de personnes après deux mois de solitude due au confinement. Tout le gratin alpinistique chamoniard et haut savoyard est présent. On arrive quand même à chopper la première benne, Loic Chamel, Erwan Frendo, Baptiste Reebs et moi même.
La course est lancée, on a l’impression que tout le monde veut aller au même endroit. c’est une véritable procession qui se dirige vers le Mont Blanc du Tacul, content d’avoir pu attraper le premier wagon.
Devant nous il ya seulement « Papy » Millet qui a payé sa trace quasi tout seul, merci à lui ! il a d’ailleurs été poser les premier les virages de la saison dans le Gerva, le WE de réouverture. « Quand c’est bon, j’y retourne ». Bon signe…
Avec nos caisses de poisson pané, on se fait lentement rattraper par les poursuivant, qui heureusement on des objectifs différents. Seulement les copains Jules Berger et Pierrot Espieusas, accompagnés du skieur FIS Luc Perrier vont au même endroit. c’est pas bien gênant, ça sera une collective !
Papy toujours furtif ouvre le bal dans sa « piste bleu du Tacul ». Il a pour but de faire les 800m de couloir d’une traite, chose qu’il fera en 4min15. Solide ! Toute l’équipe est en haut, l’atmosphère est tranquille, sereine, les conditions semblent optimales. On prends un peu la mesure du gros sérac qui nous servira d’épée de damoclès pour la descente, et on part les uns après les autres, en appliquant bien les règles de distanciation qui sont de mise dans une telle descente. On fait bien attention à ne pas se « skier dessus ».
Les premiers virages nous déstressent de suite, sur une neige parfaitement décaillée en surface, conditions moquette. On traverse vers la droite pour rejoindre l’axe du couloir.
On prends petit à petit la mesure l’imensité de ce couloir, ou tout est histoire de perspectives et de dimensions..
La suite se passe de mots, se résumant seulement par le plaisir de faire de beaux virages suspendus sur une neige parfaite, dans un couloir mythique.
C’est heureux que toute la « Gervasutteam » se retrouve en bas du couloir, après un petit saut de Rimaye qui fit office de clap de fin à la saison de ski pour la plupart d’entre nous !
Nous décidons de remettre les peaux pour remonter à l’Aiguille du Midi afin de préserver le matériel et de se remettre un peu la caisse. Lors de notre remontée on verra d’autres personnes s’engager dans le couloir, où nous aurons été loins d’être les seuls.
Le Week end qui suivit vit de nombreuse autres équipes se lancer dans le couloir. Une chute de neige sous forme d’orage le samedi, quantité de personnes dans le Tacul le dimanche pourquoi pas me direz vous, mais seulement voilà, les conditions étaient dégueulasse. poudreuse sur neige béton en dessous, c’est pas terrible. Néanmoins malgré les conditions difficiles, on pourra observer sur une photo qui a pas mal tourné une douzaine de personnes les uns au dessus des autres dans la partie basse du couloir.
Il est facile de critiquer la fréquentation dans une telle ligne, lorsque on l’a déjà faite, mais il est également difficile de résister à la tentations de s’y rendre, surtout quand on la convoite depuis longtemps. d’autant plus quand Facebook et Instagram relaient de l’activité à chaque ouverture de feed. Il est plutôt questionnable de se lancer dans la descente quand on voit que les conditions sont mauvaise et qu’il y a déjà beaucoup de monde dedans, alors que les conditions étaient excellentes en face Nord du Tacul ce jour là…
Mais c’est malheureusement la tournure que prends l’alpinisme à notre époque, tout se concentre dans les itinéraires en conditions à la mode. Bien que cela n’enlève rien à leur beauté. Bravo a tout ceux qui ont pris plaisir, dans leurs descentes, ainsi qu’à ceux qui on sû être originals dans leurs sorties…
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