23 juin 2020, mais qu’est-ce qu’on fait encore avec les skis sur le sac ? Nous allons grimper bien entendu ! C’est avec Michel Piola, l’homme aux milles et unes ouvertures que nous nous retrouvons pour aller passer quelques jours à l’Envers des Dorées, ou l’on trouverais le plus beau caillou du massif du Mont Blanc… Je ne demande qu’à voir !
Michel a déjà tout le matériel d’ouverture au bivouac, ainsi que quelques vivres de base. Et un programme bien en tête pour le déroulé des prochains jours… Je lui fait confiance sur ce côté là, c’est toujours un bon moment de partage et d’apprentissage avec quelqu’un de sa trempe. Je reste perplexe sur l’usage des skis, mais une fois encore, je suis aveuglément, il s’avèrera que ce choix fut excellent !

Nous nous retrouvons au télésiège de la Breya, les skis sur le sac , friends chaussons, pain salade et fromage dans le sac. Certes un peu l’impression d’être à contre courant, mais c’est toujours plaisant. Nous marchons une heure avant de mettre les skis. le paris est gagnant ! Lors de la montée au glacier de Saleina, nous passons devant le magnifique Petit Clocher du Portalet, ou il faudra bien aller coincer les mains dans les fissures un jour !

Nous arrivons ensuite sur le vaste et immaculé glacier de Saleina, que nous remontons sans nous enfoncer dans la neige jusqu’au col des Plines.

Du col une courte descente de 300m nous attends pour rejoindre le bivouac de l’envers des dorées, un véritable petit refuge à deux pas de la face nord d’Argentière, avec en prime tout le confort nécessaire… Il manque juste un gardien ! Pour s’y rendre faut récupérer les clef auprès du gestionnaire et payer sa nuitée, mais coup de bol, c’est gratuit pour les ouvreurs 🙂

Un petite pause réhydratation et nous partons déjà pour faire un dépose de matériel au pied de la face où Michel a son projet en tête. Il s’agirait d’une voie trad à droite de la classique et très spitée Tajabone. Le timing est bon, nous décidons d’attaquer un peu la voie et d’équiper le bas en cordes fixes.
Nous ferons les deux premières longueur (avant de ressentir l’appel du repas), la première pouvant servir d’accès direct à Tajabone, avec un pas de 6b pas si facile à froid. la deuxième remonte les fissures logiques au dessus du relais avant de franchir un bouclier de dalles raides rayé d’une fissure salvatrice.

C’est l’heure de rentrer et de se restaurer, nous avons du pain sur la planche pour le lendemain ! Avec en extra un magnifique coucher de soleil sur le Grand Combin…

Le lendemain matin c’est repartis, on est rapidement au pied grâce à nos skis, la remontée des deux premières longueur sur corde fixe nous attends… Un bonheur quand on a pas la technique ! Michel est déjà en haut quand j’arrive au premier fractionnement.. Après avoir bien ralé je lui ai demandé un brin de corde pour grimper « en fly » la longeur pour etre plus rapide. Je laisse Michel en tête, avec son expérience et son instinct du bon itinéraire, en essayant de l’assister au mieux.
La troisième longueur suivante franchit un petit surplomb en V+/6a, puis suit un long système de fissures rectiligne.

Il suit deux longueurs longueurs faciles. la deuxième est absolument majeure, après une courte traversée à droite on remonte un raide dièdre/rampe dans un granit sain et très sculpté, des bacs partout ! un bonheur à grimper.

La longueur suivante est selon moi le crux de la voie, et remonte un magnique dièdre rouge dans un rocher parfait. Les difficultés ne dépassent pas le 6b.

Une grande longueur de sortie facile s’en suit, bingo, la voie se fera sans aucun point en place dans les longueurs !
Pas le temps de niaiser, on attaque la descente en rappel qu’il nous faut finir d’équiper, et commencer le néttoyage.

Nous retournons au refuge après avoir laissé les 4 premières longueurs en corde fixe pour le nettoyage.
Comme il ne me reste que un jour sur place, Michel me propose d’aller grimper une voie qu’il n’a pas faite, exceptionnellement sans perceuse ! Il retournera finir le nettoyage seul le sur-lendemain.
Nous nous décidons sur une autre voie dans les contreforts des Dorées, portant le doux nom de Moonlight Trophy, avec des difficultés annoncées à 7a.

Désireux de grimper un peu devant, je propose d’attaquer la première longueur de 50m en 6c… A froid ça pique ! Un longue fissure rectiligne d’abord dans le poli glaciaire puis sur du beau caillou.

Je continue devant avec longueur plus facile permettant de rejoindre la vire.
une courte longueur avec un depart en renfougne nous mène au pied du soit disant crux de la voie, un grand dièdre en 7a. Je pars dans la longueur dans l’idée de passer le relais à michel pour la suite. La grimpe est soutenue mais se protège bien. J’enchaine jusqu’au spit (mal placé) protégeant le rétablissement sur une sorte de vire arrondie peu franche.
Première tentative pour me rétablir, je prends en inversée un grosse écaille qui parait peu solide. je me décourage juste avant le réta, je redescends pour une deuxième tentative. Ça va faire ! … Ou pas. Avant d’avoir compris ce qui se passait, j’ai arraché la grande écaille et je suis partit pour un petit vol…
Tout d’un coup, le passage devient franchement plus dur ! il faudra revoir la côte en libre, pour ma part j’ai réussi à atteindre le relais après un courte séance d’artif sur fissures bouchées et gravelleuses… Bonheur d’attraper le relais !

Sur un relais inconfortable j’assure Michel qui repart pour le 6c+. Après une traversée lunaire (A0, pas le choix), il faut remonter une raide fissure fuyante. Michel se bat mais échoue juste avant la sortie, le rocher est sale et la fissure non netoyée. Je ne ferais pas mieux en second !
La dernière partie de la voie remonte un magnifique dièdre en 6b/+sur 2 longueurs, sur rocher 5 étoiles. Majeur !


A la sortie du 6b+, on rejoint une autre voie sur un pilier/terrasse caractéristique. Pour rejoindre le sommet on emprunte une dernière belle longueur en 6a+, commune à l’autre voie.

Arrivés en haut nous ne perdons pas de temps, les rappels nous attendent pour retrouver nos skis. En ce qui me concerne il me reste un long retour !

Michel repartira dans la foulée commencer le nettoyage, qu’il finira le lendemain. Pour ma part, c’est direction le bivouac pour récupérer les affaires, avant de remonter dans une neige lourde au col des Plines. c’est pas tracé, merci les skis !
Arrivé au col, je garde les peaux pour traverser le plateau de Trient. La neige est tellement lourde qu’il n’y a aucun intérêt à essayer de glisser ! 45 minutes plus tard je suis au Col supérieur du Tour, sans avoir croisé d’âme qui vive. J’ai eu de la chance, le plafond nuageux était 100m au dessus de moi et n’a pas délivré d’orages !
Premier virage au col supérieur, le sluff déclanche une large coulée de neige humide. Mais pas de problème, je m’y attendais. Une fois la coulée descendue, j’ai pu skier sereinement la partie raide. Désolé les collègues pour la trace de montée !
10 minutes plus tard, je me retrouve 300m de dénivelé sous le refuge Albert 1er, quel bonheur d’avoir pu glisser si bas à toute vitesse, considérant la saison bien avancée. Peut être les dernières traces a ski de l’année du secteur?
Une petite heure de marche, et je retrouve ma petite voiture, qui m’attends là sagement depuis 3 jours.
Merci Michel pour ce beau voyage alpin !
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