Lors de la première semaine du Stage Final du guide, nous avons avec Aymeric Clouet (ENSA), Jean Baptiste Castellani et Emanuel Bazogue eu l’occasion de parcourir une arête oubliée du massif. Mais avant de la présenter il faut remettre les choses dans leur contexte. Nous sommes au mois d’aout, et la montagne est encore en bonnes condition pour la saison. Dans notre groupe nous avons eu un peu de mal à trouver un objectif de la semaine, entre les refuges souvent pleins, et le créneau météo, et les autres groupes qui on été plus rapides à la prise de décision que nous.
Quelques jours auparavant, Sam Favret et Christopher Baud on publié quelques photos d’une sortie sur arête à deux pas de l’Aiguille du Midi dont j’ignorais l’intérêt alpinistique et qui m’as fortement interpellé…
Et pourtant elle semble présenter une esthétique chevauchée entre l’Aiguille du Requin et l’aiguille du Plan, par le grand gendarme d’envers du Plan et le Pain de Sucre. Aucune chance d’en trouver une quelconque trace sur la toile, ils étaient certainement les premiers depuis de nombreuses années à fréquenter cet itinéraire parcouru pour la première fois par la célèbre cordée Guido Mayer / Angelo Dibona en 1913.
Je propose donc la course à mes compagnons qui sont immédiatement séduit par l’idée de ce cheminement original. et l’idée de faire une course sauvage dans ce chamonix revu sous toutes ses coutures. Il faudra se plonger dans les Guides Vallot pour trouver un topo de l’itinéraire. Bravo à Sam d’avoir fouillé dans cette bible de la montagne pour remettre la course au goût du jour.

Après une première journée à la voie des Francais au Pouce, et une belle séance de fissure dans Police des Glaciers à la pointe Adolphe Rey, nous passons la nuit au Refuge des Cosmiques pour profiter de bonnes conditions de neige pour l’accès glaciaire.
Malheureusement au matin la neige est croutée et n’a pas bien regelé pendant la nuit. l’accès par le Moyen Envers du Plan en version estivale fut donc plutôt que pénible.

Pour rejoindre l’attaque il faut remonter le glacier d’envers du plan qui était plutôt très tourmenté. Certains ponts de neige sont très délicats à franchir, et nécessitent la mise en place de corps morts pour un franchissement en sécurité.

Pour prendre pied sur l’arête il faut remonter le couloir qui sert de voie normale de l’Aiguille du Requin, surtout fréquenté à la descente. Lorsque il devient bifide remonter la branche de gauche (III).

L’ambiance dans le couloir d’accès est plutôt délitée, nous essayons d’y passer le moins de temps possible et surtout ne pas s’envoyer des blocs instables les uns sur les autres. Une fois que l’on est dans la branche de gauche, le rocher s’assainit jusqu’à devenir excellent lorsque l’ on prends pied sur l’a

Une fois la marche d’approche terminée, place à la grimpe sur le fil ! (quand même, au final du guide trouver une course avec une marche d’approche à la descente, il fallait le faire !)
On commence d’entrée de jeu par la partie la plus grimpante de l’arête. Le topo décrit juste des dalles fissurés en IV, qui au ressenti seront plutôt des pas de 5b bien tassé !
L’ambiance est grandiose, on surplombe les raides goulottes de la face Nord du Requin, et au loin un mer de glace qui ressemble encore à quelque chose !

On rejoint rapidement la partie la plus belle de l’arête, un rasoir long de 40 mètres qui relie la Pointe 3092 au Grand Gendarme d’Envers du Plan. Califourchon ou les pieds à plat dans la dalle, il faut choisir la formule la mieux adaptée en fonction de l’aspect rasoir… Les pas en eux mêmes correspondent à du IV, mais sont bien impressionnants, et souvent loin des protections intermédiaires. Dur de s’imaginer les anciens en 1913 sur ce passage !

C’est un passage qui est également dur à gérer avec un client, entre l’option de descendre en premier pour poser les protections et d’assurer la personne dans une traversée descendante, ou bien d’envoyer le client en premier pour lui épargner quelques sensations !
Nous apprendrons qui Julien « pica » Herry est lui aussi sur l’arête avec un client, épaulé par un deuxième guide, Paul Verdier. Ils on quant à eu proposé une vision bien plus intéressante de la course : au départ du refuge du Requin, ils on grimpé une voie rocheuse dans la face Est de l’aiguille du Requin (la voie Renaudie peut être une belle option) , et poursuivi sur notre itinéraire du jour avant de bivouaquer sur l’arête.
Nous apprendrons par la suite qu’ils on mis en place un téléphérique pour assurer le client sur ce passage.

Un peu plus loin nous profitons d’une petite terrasse pour casser la croute sur fond d’Aiguille Verte et remixer un peu les cordées pour la deuxième partie de l’arête.

Je m’encorde avec Manu et laisse la place sous l’oeil du professeur à JB dit le Corse. Et autant dire qu’il est pas là pour acheter du terrain… Il avance le bougre.


On contourne le gendarme sommital versant Vallée Blanche,pour prendre pied sur un système de vires que l’on suivra sur toute sa longueur jusqu’au Pain de Sucre. Un parcours intégral sur le fil du passage dit des Flammes de Pierre serait beaucoup plus esthétique, mais également beaucoup plus besogneux et chronophage, et l’horloge tourne !

En suivant difficilement le rythme effréné du Corse, nous arrivons rapidement au Pain de Sucre de l’Aiguille du Plan, et son impressionnante face Nord suspendue… Ancienne course classique d’alpinisme des 100 plus belles de Rébuffat, la course est de nos jours par les skieurs de pente raide lors de période d’enneigement exceptionnels. Mais la couverture glaciaire de cette face nord cachée fond comme peau de chagrin, et les passages deviennent de plus en plus raide. Pour combien de temps encore?


Pour monter au sommet du Pain de sucre nous avons suivi un cheminement tantôt sur le fil, tantôt face nord, avec quelques pas bien impressionnants, et une vue sur les Aiguilles de Chamonix somptueuse.


Du sommet du Pain de Sucre, on redescends par 2 rappels de 20m (ou désescalade) qui dépose sur une petite brèche neigeuse. Attentions au coincement de corde lors du deuxième rappel, on y a pas échappé, et au vu du morceau de corde verte laissé sur place par Pica,
Nous hésitons a grimper l’antécime qui se dresse devant nous, mais le topo décrit un countournement versant Vallée blanche en descendant le couloir qui est issu de la brèche.
Après une descente (trop bas) dans du terrain de permafrost vraiment pourri, nous décidons de remonter pour grimper la longueur par une belle fissure à doigt. Au sommet cul de sac, il faut malgré tout descendre du bon côté par un rappel de 25m sur un béquet qui ne fait pas rêver !
La photo suivante prise par Pica nous montre au sommet De notre petite étourderie d’itinéraire.

Pour les répétiteurs, depuis la brèche il faut descendre le couloir sur une vingtaine de mètres, avant de remonter par une courte longeur (IV?) en direction d’une terrasse bien marquée , que l’on devine bien depuis la brèche.
Sur la photo précédente, on voit que la terasse est une vire (petits restes de neige) qui par quelques pas de désescalade permet de prendre pied sur la neige au Col du Pain de Sucre.
Nous traversons la pente de neige pour rejoindre la trace de la traversée Midi Plan. Il est déjà 14h30, soit 8h30 de course depuis le refuge des cosmiques. L’option de faire un aller retour à l’aiguille du Plan ne traverse même pas notre esprit…
La troisième partie de la journée commence, la course n’est pas encore fini !

Je m’encorde avec JB pour le retour par l’arête Plan-Midi, encore en relativement bonnes conditions malgré l’heure tardive. La bonne trace (pardon tranchée) y est pour quelquechose.
Je commence à tirer un peu la langue, décidément j’ai vraiment une caisse de poisson rouge ! Mais avec toutes les conneries débités à la minute par mon ami corse, le retour passe vite et dans la bonne humeur.

Si votre chemin de grimpeur vous mène vers la Corse et ses belles aiguilles de Bavella, et que vous avez besoin d’un guide, ne cherchez pas plus loin, c’est votre homme ! Et en bonus il pourra même vous surprendre dans l’Alpe !

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